
Dans ma pratique de notaire spécialisé dans la transmission d’officines, je rencontre de nombreux confrères pharmaciens qui exploitent leur activité via une Société d’Exercice Libéral à Responsabilité Limitée (SELARL). Au moment de céder leur affaire, une question stratégique se pose : faut-il vendre le fonds de commerce ou céder les parts sociales de la société ?
Si la cession du fonds est plus courante, la cession de parts sociales est une opération juridiquement distincte, avec ses propres avantages, ses points de vigilance et ses mécanismes de protection. Vous ne vendez pas seulement votre outil de travail ; vous cédez l’entreprise qui le détient, avec son histoire, ses actifs et son passif.
Issu d’une famille de pharmaciens et administrateur du réseau Pharmétudes, je vous propose de décortiquer cette opération complexe pour vous permettre de prendre des décisions éclairées.
Cession de Fonds vs. Cession de Parts : Le Choix Stratégique
Avant d’entrer dans la technique, il est crucial de comprendre la différence fondamentale entre ces deux modes de transmission.
| Critère | Cession du Fonds de Commerce | Cession des Parts Sociales (SELARL) |
| Objet de la Vente | Les actifs de l’officine (clientèle, licence, droit au bail, matériel). | Les titres de la société qui détient le fonds de commerce. |
| Passif (Dettes) | L’acquéreur ne reprend pas les dettes du vendeur (sauf exceptions fiscales et sociales). | L’acquéreur reprend la société en l’état, avec ses actifs ET son passif (dettes fournisseurs, emprunts, passif social…). |
| Contrats | Les contrats (fournisseurs, leasing…) doivent être renégociés et transférés. Seuls les contrats de travail sont automatiquement repris. | Tous les contrats conclus au nom de la société continuent sans changement, car la société ne change pas. |
| Fiscalité pour le Vendeur | Imposition de la plus-value professionnelle sur le fonds de commerce. | Imposition de la plus-value sur cession de valeurs mobilières, souvent plus avantageuse. |
| Complexité Juridique | Procédure standardisée mais lourde (séquestre du prix, oppositions…). | Procédure plus souple mais nécessitant un audit approfondi et une solide Garantie d’Actif et de Passif (GAP). |
Les 4 Étapes Clés de la Cession de Parts de SELARL
Le processus de cession de parts est un parcours balisé qui exige une rigueur absolue.
- L’Audit d’Acquisition (Due Diligence)
C’est l’étape la plus critique. L’acquéreur, assisté de ses conseils (expert-comptable, avocat, notaire), va “radiographier” la société pour s’assurer qu’il n’y a pas de passif caché. L’audit couvre tous les domaines :
- Comptable et Financier : Analyse des bilans, de la rentabilité, de la trésorerie, des engagements hors bilan.
- Fiscal : Vérification des déclarations fiscales passées pour évaluer le risque d’un redressement.
- Social : Audit des contrats de travail, respect de la convention collective, passif social potentiel.
- Juridique : Examen des contrats en cours (bail commercial, contrats fournisseurs, leasings…).
- La Négociation et le Protocole d’Accord de Cession de Parts
Une fois l’audit réalisé, les parties formalisent leur accord dans un “protocole d’accord” (ou “compromis”). C’est l’acte central qui, en plus du prix et des conditions suspensives, va contenir la fameuse Garantie d’Actif et de Passif (GAP).
- La Levée des Conditions Suspensives
Comme pour une cession de fonds, la vente est conditionnée à la réalisation d’événements futurs :
- Obtention du financement par l’acquéreur.
- Autorisation du Conseil Régional de l’Ordre des Pharmaciens (CROP), qui doit agréer le nouvel associé exploitant.
- Agrément des co-associés, si les statuts de la SELARL le prévoient.
- Le “Closing” et les Formalités Post-Cession
Une fois les conditions levées, la signature de l’acte de cession définitif a lieu. Contrairement à la cession de fonds, le prix est généralement versé directement au vendeur (sauf séquestre contractuel pour la GAP). Les formalités qui suivent sont cruciales :
- Enregistrement de l’acte de cession auprès du service des impôts.
- Mise à jour des statuts de la société.
- Publication de la modification au Registre du Commerce et des Sociétés (RCS).
Le Point Crucial : La Garantie d’Actif et de Passif (GAP)
La GAP est la pierre angulaire de toute cession de parts sociales. C’est la protection de l’acquéreur contre les “cadavres dans le placard”.
- À quoi sert-elle ? Elle oblige le vendeur à indemniser l’acquéreur si une dette dont la cause est antérieure à la cession apparaît après la vente.
- Que couvre-t-elle concrètement ?
- Un redressement fiscal portant sur un exercice antérieur à la vente.
- Un litige avec un salarié dont les faits sont antérieurs à la vente.
- Une dette fournisseur oubliée.
- Comment est-elle mise en œuvre ? La GAP est un document juridique très technique qui prévoit :
- Une durée (généralement 3 ans, pour couvrir la prescription fiscale).
- Un seuil de déclenchement (franchise ou seuil simple).
- Un plafond d’indemnisation.
- Une garantie de la garantie (une partie du prix de vente peut être bloquée sur un compte séquestre ou garantie par une caution bancaire).
Une Opération d’Expert qui Nécessite un Conseil d’Expert
La cession de parts de SELARL de pharmacie est un outil de transmission puissant, souvent fiscalement avantageux pour le cédant et plus simple opérationnellement pour l’acquéreur. Cependant, sa complexité juridique et le risque lié au passif inconnu exigent une vigilance absolue et l’accompagnement par des professionnels qui maîtrisent parfaitement ce type de montage.
En tant que notaire membre du réseau Pharmétudes, notre rôle est de vous conseiller sur la meilleure structure de cession, de rédiger des actes sur-mesure (notamment la GAP) et d’orchestrer la transaction pour sécuriser vos intérêts à chaque étape.
Pour une analyse approfondie de votre projet de cession ou d’acquisition, n’hésitez pas à contacter notre étude. Notre expertise en droit de la pharmacie est à votre service.








